Au sujet de Hiroyuki Saito

Né en 1965 à Toyama, où il réside et travaille toujours, Hiroyuki Saito n’a suivi aucun enseignement artistique académique, appréhendant la technique en pur autodidacte. Ses premières œuvres, sculptures sur bois ou gravures sur le même support, montrent d’emblée une intelligence du cadre, une capacité innée à jouer avec les restrictions imposées par la surface de la planche. En adoptant des procédés fondamentaux, francs et directs, telles de puissantes oppositions de noir et blanc ou l’utilisation de traits réduits à l’essentiel, l’artiste se positionne comme l’héritier de modes expressifs populaires et intemporels, très ancrés dans la tradition japonaise mais également présents dans de nombreux autres pays.
Passionné de littérature dès son jeune âge, Hiroyuki Saitô est parvenu à construire au fil de ses découvertes une réflexion personnelle clairement définie. En 1999, une de ses œuvres inspirées d’Alice au Pays des Merveilles reçoit un accueil favorable lors d’une exposition de groupe à Tôkyô. Ce succès marque un tournant dans l’évolution de l’artiste, lui faisant prendre conscience des potentialités offertes par la relecture originale et novatrice de thèmes connus, fortement enracinés dans la mémoire collective. Il décide de se consacrer à une histoire intrinsèquement liée à la culture du Japon, et se tourne ainsi vers le panthéon bouddhique, qu’il espère présenter d’une manière inédite tout en respectant l’héritage du passé.
Le travail de Hiroyuki Saitô se fonde depuis lors sur une étude poussée de la statuaire bouddhique japonaise, menée alternativement dans les livres et lors de longues séances de copie sur le terrain. L’artiste s’intéresse en particulier aux sculptures des temples de Kyôto et Nara (Sanjûsangendô, Byôdô-in …). Il exprime leur dynamisme et leur modernité en leur faisant interpréter danses et musiques actuelles. Les Boddhisatvas et autres figures bouddhiques deviennent ainsi les membres de groupes de rock célestes, à l’énergie communicative. Six bras pouvant jouer simultanément, n’est-ce pas là le rêve de tout batteur ? Les figures de Hiroyuki Saitô marquent une fusion réussie entre la tradition classique et l’art du XXIe, et aussi entre les formes créatives les plus élevées et la culture de masse, notamment celle, universelle, que représente la musique « pop ». Les œuvres s’inscrivent dans un espace-temps qui leur est propre, abolissant les frontières de l’histoire et faisant fi de toute classification ou jugement de valeur. La simplicité apparente de l’image, instantanément compréhensible par tous, la puissance qui se dégage de cette technique physique qu’est la gravure sur bois, enfin l’impact provoqué par les formats imposants affectionnés par Saitô, tout cela accentue l’étonnante force qui se dégage de ces figures.

Valérie Douniaux, juillet 2010
Valérie Douniaux